jeudi

Porte cochère

Elle ne savait pas comment il était arrivé jusqu'à elle. Comment le désir de l'un avait rencontré le désir de l'autre. Ici ou là, par les mots, écrits ou dits. Leurs mots étaient doux et brûlants, se répondaient, s'invitaient au désir, le partageaient...
Elle ne sait plus comment, mais ce désir était devenu permanent. Inextinguible. Insatiable. Quelquefois il s'endormait, la journée, le temps de faire ce qu'on fait. Parce que la vie est comme ça... Mais toujours il revenait. Déterminé, sûr, comme un grondement joyeux, qui suit sa course inéluctable, un ruisseau de printemps qui se gonfle à la fonte des neiges...
Elle se sentait vivante, brûlante, vibrante. Elle se caressait en y pensant. Elle pensait elle savait, qu'il se caressait aussi. Et d'y penser, de l'imaginer, ça faisait monter, multiplier son désir. Son plaisir.
Et puis il y avait ces rendez-vous. Furtifs, mouvants, brûlants. Elle ne savait pas grand chose de lui. Et lui, si peu d'elle... Mais peu importait. Elle suivait son intuition. Et son désir. Une femme comme elle, sans histoires... Et là, elle plongeait dans l'underground, elle désirait un inconnu, qui lui murmurait des douceurs, des mots crus, des mots caresses et plaisir.
Elle lui avait raconté qu'elle traversait une bonne partie de la ville, le matin, pour aller travailler, à pied. Par où elle passait. Il avait dit « Je sais ». Comment savait-il ? Peu importe...
Il avait demandé ce qu'elle souhaitait. Elle avait dit. Il avait dit ce qu'il aimait. Elle avait vibré. Il avait demandé « Tu désires ...? ». Elle avait dit « Oui ! ».
Et puis un matin, en traversant un passage sombre, une ruelle étroite où elle pressait le pas sur les pavés, elle avait vu une porte s'ouvrir. Une grosse porte de bois, vers une entrée de cour, un jardin, un bout de ciel. La lumière l'avait surprise. Et plus encore, entendre prononcer son nom. Leurs deux noms. Leurs prénoms secrets juste entre eux. C'était lui. Elle était entrée. La porte refermée, c'était un autre monde, porche en pierres claires, cour et jardin vert... Les bruits de la ville étaient comme estompés. Un endroit improbable, mais comme on trouve parfois au coeur des vieilles cités, un jardin au ventre de la ville.
Elle n'avait pas le temps. Il n'avait pas le temps. Il fallait faire vite. En un pas elle était contre lui. Contact. Un baiser. Si peu, et tellement...
Elle était pleine de désir. Déjà. Encore... Elle était chaude au dedans, humide, vibrante. Et elle sentait son désir à lui, corps à corps à travers les vêtements. Il avait passé la main sous sa jupe, avait caressé la vulve, trouvé la fente chaude et mouillée, glissé un doigt, l'avait pénétrée ainsi, par cette caresse, un moment hors du temps...
Puis elle s'était enfuie : elle devait partir, alors il lui avait dit « File ! »
Elle avait gardé son désir, son plaisir en elle toute la journée. Et la nuit. Et le jour suivant.
Un autre matin il lui avait présenté son désir, lui avait montré son sexe dressé, palpitant, chaud pour elle... Elle en était curieuse, elle en était gourmande, elle l'avait léché avidement...
Un autre jour, elle en avait envie, lui aussi, alors il l'avait prise debout, comme ça, contre le mur, elle avait joui intensément...
Puis le gong de l'heure, du temps, de la vie, l'avait jetée à nouveau dans la foule, dans la ville. Etourdie, éblouie, comblée. Jusqu'au prochain matin.
Il y avait les matins sans. Il n'était pas toujours là. Mais toujours en passant elle vibrait, frissonnait, le coeur battant, le corps vivant...
Il y avait les matins avec. Un matin un baiser volé. Un matin une caresse prolongée. Un autre jour, un début de plaisir, un frisson, une ivresse, qui les menait loin... En retard, bien sûr, après ça il fallait courir... Mais avec quelle absence de remords !

La vie était vivante, le présent gourmand, et le reste coulait de source.

4 commentaires:

  1. Un désir devenu permanent, muselé par l'urgence de nos vies certes, mais si libérateur. C'est magnifique...

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  2. Merci ! Des portes s'ouvrent parfois dans nos vies, on les vit ou on les rêve, et tout change... Envie d'être en vie.

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  3. Une porte cochère au détour d'une ruelle ordinaire, c'est comme certains mots au détour d'une phrase banale : une clef pour le jardin secret de délices inconnus...

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  4. Inconnus... On les connait pourtant, et on les redécouvre, toujours !

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